Rousseau et la médiation symbolique entre les hommes : contribution à un individualisme structurel
Résumé
Cet article se propose d’étudier la contribution de l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau à l’analyse sociologique de la coordination sociale, c’est-à-dire des manières dont les hommes parviennent à se coordonner pour agir de concert. Attentif à ce qu’est l’individu, ou plus exactement l’homme tel que l’a formé la nature et l’homme dans la vie sociale, Rousseau s’efforce de comprendre et de repérer ce qui le fait, ou pourrait le faire, agir. Mais à ce parti pris théorique, qui annonce les développements ultérieurs de la sociologie de l’action, il ajoute une proposition essentielle : la coordination sociale ne peut s’effectuer que sur une base infrarationnelle qui lie les hommes entre eux par des sentiments de sociabilité. Quoique naturelles, ces passions aimantes ne sont nullement spontanées et doivent être soutenues et protégées par divers dispositifs en lesquels consiste la médiation symbolique des hommes. En vue d’établir que l’unité du corps social s’enracine en deçà du calcul et de l’intérêt dans le « cœur » des hommes, Rousseau, scrutant cette dimension de l’existence humaine qu’est l’appartenance sociale, échafaude un édifice complexe d’hypothèses et d’analyses visant à dépasser les dualismes les plus ancrés : nature/culture, individu/social, être/paraître, raison/passion. La réflexion du philosophe s’efforce de dégager une sorte de synthèse entre ce qu’exige la nature de l’homme en tant qu’être libre et ce que nécessite sa condition d’être social. Elle ouvre ainsi la voie en sociologie à un « individualisme structurel », si l’on conçoit par cette formule une perspective théorique qui soit attentive à l’individu, à son autonomie et à ses mobiles, autant qu’aux conditions sociales et symboliques infrarationnelles de son activité cognitive et de son action.
Mots-clés
- action
- coordination
- individualisme structurel
- intérêts
- médiation symbolique
- passions