Les ressorts sociaux de l'indignation militante. L'engagement au sein d'un collectif départemental du Réseau éducation sans frontière

Par Lilian Mathieu
Français

Résumé

Les enseignants et parents d’élèves qui s’engagent au sein du Réseau éducation sans frontière (resf) entendent exprimer leur indignation devant le sort que l’État français réserve aux enfants et jeunes scolarisés étrangers en situation irrégulière. Cette indignation ne peut être posée en principe d’explication de l’engagement, mais doit elle-même faire l’objet d’une analyse. C’est ce qu’entreprend l’article, sur la base d’une enquête par observations et entretiens auprès de militants d’un collectif refs d’un département de province. Il montre tout d’abord que les ressorts sociaux de l’indignation sont à rechercher dans la trajectoire et la socialisation des agents, qui les a dotés de dispositions critiques, d’appétences protestataires et d’une sensibilité aux enjeux scolaires et de discriminations, qu’ils ont transposées dans leur engagement au sein de ce collectif. L’attachement à une école à laquelle ils doivent leur ascension sociale, une humeur critique issue d’un rejet précoce de leur éducation religieuse, l’influence de modèles familiaux de désobéissance ou encore une expérience douloureuse de l’altérité marquent ainsi les trajectoires de bon nombre de ces militants. L’article montre ensuite que l’indignation connaît des expressions différenciées selon les modes d’entrée dans la cause (perçue en termes généraux ou incarnée dans des personnes identifiées) et le degré préalable de compétence militante. Il montre enfin comment la poursuite de l’engagement au sein du réseau suppose un travail émotionnel spécifique, composante majeure de l’apprentissage militant.

Mots-clés

  • militantisme
  • émotions
  • sans-papiers
  • socialisation
  • éducation