Participer pour quoi faire ? Esquisse d'une sociologie de l'engagement dans les budgets participatifs
Résumé
Malgré l’engouement récent pour la démocratie participative, les sciences sociales sont restées relativement silencieuses sur les motifs de participation des acteurs et les raisons pour lesquelles ils consacrent du temps et de l’énergie à ces nouvelles arènes publiques, comme si la participation allait de soi. On sait que le public de ces dispositifs n’est pas le public rêvé des théoriciens de la démocratie, il n’est ni représentatif, ni égalitaire, ni complètement profane et désintéressé. Mais on ne sait ni pourquoi des citoyens ordinaires participent et ni pourquoi une large frange de la population se tient à l’écart. Il manque ainsi une sociologie systématique des acteurs des dispositifs participatifs et de leurs motivations, dont nous nous proposons de poser ici les jalons. La comparaison de deux enquêtes ethnographiques réalisées au sein de dispositifs de budgets participatifs en Europe permet de mettre en évidence la proximité des motifs d’engagement de participants insérés dans des contextes distincts. Nous montrons ainsi que les réponses des acteurs à l’offre de participation (participation, non-participation et participation intermittente) peuvent s’analyser au prisme de quatre registres de justification que sont le devoir civique, l’intérêt personnel, la sociabilité et l’enrichissement cognitif. Issus de grammaires publiques, ces registres de justification de l’engagement ou du désengagement sont saisis différemment par les acteurs, selon leurs ressources propres et certaines contraintes situationnelles, mais semblent valables au-delà des seuls budgets participatifs. Nous invitons ainsi à une discussion plus systématique entre la sociologie du militantisme et celle de l’engagement participatif, les deux pouvant s’éclairer mutuellement.
Mots-clés
- sociologie de l’engagement
- participation politique
- justifications
- démocratie participative
- non-participation