Le magistère intellectuel islamophobe d'Oriana Fallaci. Origines et modalités du succès italien de la « Trilogie sur l'Islam et sur l'Occident » (2001‑2006)
Durant les cinq dernières années de sa vie, la journaliste-écrivain Oriana Fallaci (1929-2006) a publié trois pamphlets fortement islamophobes, et néanmoins largement acclamés en Italie. Ils se sont vendus à des millions d’exemplaires, et ont eu un rôle majeur dans la structuration d’un débat national sur les relations interculturelles et la prétendue non-intégrabilité des musulmans. Comment ce succès populaire a-t-il été possible ? Comment les prises de position antimusulmanes de Fallaci ont-elles acquis une telle légitimité et une telle influence ? Nous répondons ici à ces questions en plusieurs étapes successives. L’introduction inscrit tout d’abord notre propos à l’intersection de la sociologie de l’islamophobie et de la sociologie des intellectuels (et du journalisme). La première partie (1) présente ensuite brièvement La Trilogie, en expliquant pourquoi – même en Italie – l’étude de sa réception a été négligée par les sciences sociales. Tout en les replaçant dans leur contexte économique et politique, les modalités du succès de Fallaci sont alors analysées en abordant notamment (2) les stratégies de l’auteure en termes de construction charismatique progressive et de posture totalisante des différentes positions intellectuelles, à l’origine de sa légitimité publique ; (3) la façon dont la multipositionnalité durable de Fallaci entre différents espaces (journalistique, littéraire, etc.), fondée sur un système de garanties mutuelles entre ceux-ci, et le soutien des médias de masse, a largement déterminé l’accueil favorable qu’ont reçu ses ouvrages ; et enfin (4) comment l’attachement affectif qu’elle suscite chez une grande partie de ses lecteurs contribue au processus de (re)configuration de leurs sentiments antimusulmans.
Mots-clés
- Italie
- intellectuels
- xénophobie
- islam
- légitimation