« Je préfère les dealers à une rue déserte » : coexistence et familiarisation en milieu urbain
Comment des citadins peuvent-ils tolérer, voire valoriser, la présence de revendeurs de drogue dans leur rue ? Sur la base d’une enquête ethnographique auprès de résident-e-s, de commerçant-e-s et de « dealers » dans deux rues de Genève (Suisse), cet article se propose d’étudier les dynamiques permettant la coexistence entre ces catégories d’acteurs. Nous plaçons au cœur de notre analyse un processus de familiarisation. À travers celui-ci, un individu apprend progressivement, par la fréquentation répétée d’un environnement et des individus qui l’habitent, à en identifier la normalité, c’est-à-dire les conditions dans lesquelles cet environnement ne présente pas de menace immédiate. Ce processus repose sur le maintien des « apparences normales » (Goffman, 1973), et sur des normes morales que les « dealers » tentent de respecter. Nous soulignons la dimension spatiale de ce processus, à partir du cas de l’école primaire jouxtant un espace public fréquenté par les dealers. Enfin, nous montrons que la coexistence est en partie autorégulée, mais repose aussi sur la répression ainsi que sur une médiation organisée par des acteurs associatifs qui permettent un dialogue entre les représentant-e-s de l’école, les résident-e-s, la police et les dealers.
Mots-clés
- dealers
- coexistence
- urbain
- familiarité
- insécurité