« Donner de son temps » pour ne pas être des « assistés »
À partir d’une enquête collective menée par monographies de ménages en France, cet article se propose de revenir sur les engagements bénévoles et le rapport à la politique de membres des fractions stables des classes populaires. L’enquête permet d’éclairer le paradoxe existant entre un engagement bénévole et associatif élevé et l’affichage d’une distance forte avec l’univers politique. Nous montrons que celle‑ci manifeste davantage un rejet moral de la sphère politique qu’une indifférence à l’égard de la politique, rejet qui s’appuie précisément sur les justifications morales présidant aux engagements bénévoles ou associatifs des enquêtés. Ceux‑ci reposent sur des modalités d’investissement spécifiquement populaires et rendent manifeste une « conscience sociale triangulaire ». Cette dernière prend néanmoins des formes variées selon les enquêtés, qui ont connu des trajectoires scolaires, familiales, professionnelles différenciées, et des socialisations politiques variées. Elle ne se traduit pas par des pratiques de vote homogènes et peut s’accompagner de tensions morales et politiques fortes au sein d’un même ménage, notamment à propos du vote pour le Front national.
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