Classe, race et autochtonie : tri institutionnel des « bons locataires » et ségrégation dans les cités HLM
À partir d’une enquête sur les pratiques d’attribution de logement social dans une cité HLM, combinant archives, entretiens et statistiques, cet article s’intéresse aux catégorisations de classe et raciales qui guident les pratiques des agents de terrain et à leurs effets ségrégatifs. Il montre d’abord que ces pratiques sont à l’origine de discriminations pour les fractions précaires des classes populaires, pour les femmes seules avec enfants et pour des minorités racisées. En prêtant attention à l’échelle d’observation, il souligne surtout que les logiques de gestion locative, qui accordent une prime à l’insertion locale des locataires, peuvent conduire à transformer le handicap de certaines minorités racisées (d’origine maghrébine) en ressource pour accéder aux logements les plus valorisés dans l’espace local. Il suggère, ce faisant, que la racialisation des politiques de peuplement ne repose pas uniquement sur la mobilisation de schèmes culturalistes attribuant des comportements à certains groupes sociaux, mais qu’elle peut aussi renvoyer à d’autres logiques dans lesquelles l’assignation raciale, mêlée à une identification religieuse, est associée à une forme de respectabilité locale. En conférant un capital d’autochtonie aux fractions stables des classes populaires racisées, ces politiques de peuplement offrent ainsi des possibilités de promotion résidentielle locale. Pour autant, combinées aux mécanismes discriminatoires que décrit également la littérature sur le sujet, elles tendent aussi à renforcer la ségrégation raciale à l’échelle des agglomérations.
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