Acteur

Sandrine Rui, « Acteur », in Paugam Serge (dir.), Les 100 mots de la sociologie, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que Sais-Je ? », 2e édition, 2018, p. 44.

Qu’il soit individuel ou collectif, l’acteur désigne en général le support des conduites sociales. Ce terme récurrent du vocabulaire sociologique est toutefois utilisé de façons distinctes selon les conceptions de l’action sociale. Parfois, d’autres dénominations lui sont d’ailleurs préférées.

Quand une conception structurelle ou déterministe prévaut, l’action sociale est envisagée comme la manifestation de structures ou d’interactions. Les sociologues peuvent parler d’acteur (Merton, Parsons, Goffman) ou de sujet (Foucault), au fond, c’est la notion d’agent (Bourdieu) qui s’impose : l’individu agit moins qu’il n’est agi ou bien par les moments et situations ou bien par des logiques extérieures qu’il a intériorisées par la socialisation ou tout effet de domination. Cette incorporation des exigences normatives ou situationnelles dote les individus de dispositions qui régissent les conduites tout en leur donnant l’illusion de se comporter de façon libre et autonome. À l’extrême, il y a une correspondance étroite entre la subjectivité des conduites et l’objectivité des positions.

Les sociologues qui retiennent plus volontiers la notion d’acteur s’attachent à la part d’autonomie des individus et des groupes. Selon une conception rationnelle ou utilitariste de l’action sociale, l’acteur est envisagé comme étant guidé par la recherche rationnelle de ses intérêts. Les individus choisissent librement parmi des possibles et ont de bonnes raisons d’agir (Boudon). Parfois totale, la rationalité de l’acteur est plus souvent jugée limitée : les systèmes de jeux et d’interdépendance le contraignent à se faire stratège (Crozier). Pour les constructivistes (Latour), toute entité qui modifie une situation donnée participe de fait au déroulement de l’action et est envisagée comme un acteur : humains mais aussi non-humains (microbes, ordinateurs…) ont un rôle actif dans les chaînes d’associations que constituent les réseaux (§ 74). Ces entités sont des actants tant qu’elles n’ont pas reçu de figuration précise. Enfin, une conception créative de l’action sociale définit l’acteur par ses capacités d’action autonome et ses capacités réflexives et interprétatives. Ni totalement contraint par les déterminations sociales, ni totalement gouverné par ses intérêts, l’individu est capable de distanciation et de critique. Il peut agir sur le monde et sur lui-même. L’aspiration de l’acteur à vouloir construire et juger sa propre vie fait de lui un sujet (Touraine, Dubet).

Pour découvrir les 99 autres « mots de la sociologie »…

> Retrouver le livre sur le site des Presses universitaires de France
https://www.puf.com/content/Les_100_mots_de_la_sociologie

> Et sur la plate-forme Cairn.info (édition 2010)
https://www.cairn.info/les-100-mots-de-la-sociologie–9782130574057.htm